Papier et fier de l’être !

Une simple feuille de papier pouvait avoir plusieurs vies : courrier, journal, magazine... Suivez le parcours de Papyrus, feuille de papier recyclée qui a vu du pays, et découvrez comment la crise papetière a impacté sa vie.

          « Il faut que je vous raconte. J’ai eu la peur de ma vie. J’ai poireauté 2 mois, écrabouillée entre un Paris Match froissé qui me bassinait avec ses 5 recyclages et un Picsou Magazine vantant ses 30 ans sur une étagère. D’habitude, on me libérait plus vite.

          C’est toujours pareil : je suis déposée dans une borne à papier, ensuite petite balade en camion vers le centre de tri où je papote quelques jours avec des amis et puis la Micheline vient me chercher. La Micheline c’est 44 tonnes de puissance… Mon camion chéri qui m’emmène à l’usine de recyclage.

          La première fois, j’ai été surprise. Il faut dire qu’on nous maltraite un peu pendant le lifting. On arrive feuille de papier, on est mélangé à de l’eau et trituré, on devient bouillie (on dit “pulpe” à l’usine) et on ressort en belle feuille toute propre. Mais ce que je préfère, c’est quand le papetier me chatouille. Il suffit que je sois sur le dessus… Il vérifie la qualité avant de nous envoyer chez les imprimeurs.

          Sans vouloir me vanter, j’en suis déjà à mon 3ème tour ! Je suis née courrier du SMITOM-LOMBRIC. Je confirmais l’inscription d’une école à une visite d’usine. Ce que j’ai adoré, c’est que l’institutrice m’a donnée comme brouillon à une enfant. J’ai porté sur le dos un arc-en-ciel et une fleur pendant 2 semaines avant d’aller à mon 1er lifting ! Là, je suis devenue un prospectus. L’horreur : balancée dans une boîte aux lettres sans considération et emmenée directement à la borne papiers sans même être lue ! Sur ce coup-là, je n’ai vraiment servi à rien ! Heureusement, ma 3ème vie a été chouette : cahier d’école. Le stylo qui gratte le dos, c’est trop bon ! J’ai porté quelques ratures mais j’ai permis à un enfant d’apprendre à écrire “écologie” et ça m’a plu.

          Et puis on m’a stockée. Longtemps. Toujours mes ratures entre les lignes mais l’encre qui commençait à s’effacer. On était coincé là à cause de ce que les humains appellent “la crise papetière”. En écoutant bien, j’ai compris que la Chine a arrêté de traiter le papier européen. Résultat, on est beaucoup trop de candidats au recyclage dans les usines françaises et on nous sélectionne trop durement. Et puis comme on a moins besoin de papier, on ferme des papeteries. Moi, la Micheline m’emmenait toujours à la Chapelle Darblay. Mais ma papeterie a fermé comme les autres. On ne m’avait jamais reproché de ne pas être assez belle. J’étais du papier et c’est tout. Au bout de 2 mois, j’ai même entendu que la seule solution serait de nous incinérer ; vous vous rendez compte ?!

          Et puis soudain, la Micheline est revenue me chercher ! Le SMITOM-LOMBRIC a trouvé une solution ! Mais on n’a pas pris le même chemin que d’habitude. On est allé vers la Gironde. Et vous savez ce que je suis devenue ? Un tube de carton contenant une affiche de cinéma. La classe ! »

Papyrus, papier aux mille vies.